♢♢ There's no such thing as fate

« ...Quarante-huit, quarante neuf, cinquante. J'arrive ! » oui, encore à dix-huit ans, Rayan était obligé de jouer à cache-cache. Évidemment, ce n'était jamais lui qui se cachait car aucune cachette ne pouvait dissimuler son mètre quatre-vingt-trois. C'était sa petite sœur, Eanna, qui se cacher dans les endroits les plus incongrus de la grande demeure des Fitzwilliam. Depuis que la petite était en âge de marcher, les deux jouaient à cache-cache tous les dimanche après-midi, sans exception. « Anna, j'espère que tu es bien cachée ! » cria l'adolescent du rez-de-chaussé. Il commença sa recherche par le placard à balais, la cuisine, le salon, la salle à manger. Aucune trace de sa cadette. Il continua son expédition dans le jardin, chercha dans la cabane, sous le toboggan, dans les arbres. Toujours rien. Il retourna à l'intérieur et gravit les escaliers jusqu'au premier étage. Il fouilla toute la chambre de la petite, celles de ses frères, la sienne, la salle de bain, les toilettes, la bibliothèque. Eanna n'était dans aucun de ces endroits. Il monta au deuxième étage, jeta un coup d’œil dans la chambre – interdite – de leurs parents, s'aventura dans leur salle de bain, fouilla le dressing, en vain. Il resta un instant sur le pallier, réfléchissant à l'endroit où sa petite sœur avait pu trouver à se cacher. Il remarqua soudain que la porte du bureau de leur père était entre ouverte. « Je te tiens ! » souffla-t-il, ses lèvres s'étirant en un large sourire malicieux.

Il poussa doucement la porte. Ce bureau leur était normalement interdit. Rayan avait dû y mettre trois ou quatre fois les pieds en dix-huit ans d'existence. Tout était méticuleusement rangé. Le jeune garçon en profita pour admirer la pièce. Un immense bureau en bois massif occupé une grande partie de la pièce, installé face à une large baie vitrée. Les murs étaient couverts de hautes bibliothèques, remplies de livres en tout genre, de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Il cessa sa contemplation pour chercher sa sœur. Il regarda derrière les longs rideaux pourpres, derrière le canapé, et enfin sous le bureau. Bingo ! « J'ai encore gagné princesse ! » la petite afficha une mine faussement vexé avant d'attraper la main de son frère pour se relever. « Tu dois avouer que j'ai fait fort cette fois. » dit-elle fière d'elle. « Tu vis dangereusement, heureusement que je t'ai trouvé avant papa. » elle leva les yeux au ciel. « Allez viens la rebelle, maman a fait un carrot cake pour mon dernier week-end à la maison. » il lui adressa un clin d’œil. En effet, c'était ses derniers jours dans la maison familiale avant d'aller s'installer à Londres afin de commencer ses études de commerce international. Son destin c'était d'entrée dans l'entreprise de son père et ensuite d'en prendre la succession, c'était le dessein que le père avait prévu pour son fils. La fillette avança et se cogna contre le bureau. Elle lâcha un petit cris qu'elle réprima aussitôt. Dans sa maladresse, elle fît tomber quelques livres et le choc ouvrit deux tiroirs. « Tu n'en loupes pas une toi. » dis son frère en rigolant. Il s'approcha pour ramasser les quelques livres tombés et les remis à leur place. Il ferma le premier tiroir, mais marqua un temps d'arrêt alors qu'il s'apprêtait à fermer le second. Un dossier blanc trôner au-dessus de tous les autres, avec pour inscription « Dossier d'adoption n°2869 ». Le jeune Fitzwilliam fronça les sourcils avant de relever les yeux vers sa sœur. « Descends, j'arrive dans une minute. » elle voulu contester mais son frère lui fit signe de s'en aller. Une fois qu'elle eut fermer la porte, il attrapa le dossier, et l’ouvrit sans attendre plus. Son regard parcouru les lignes, et plus il avançait dans sa lecture plus son visage se décomposait.

Il descendit en trombe les escaliers, débarquant comme une furie dans la cuisine. Les parents Fitzwilliam étaient tout deux assis dans le canapé, une tasse de thé dans la main. Il balança le dossier sur la table basse, manquant de faire tomber le sucrier. « Qu'est-ce que c'est ? » dit-il le plus calmement possible. Le visage de ces parents prit un air grave, sa mère échappant sa tasse. « Où est-ce que tu as trouvé ça Rayan ? » demanda son père en se levant. « Qu'est-ce que ça peut faire ? Vous comptiez me le dire un jour ou alors garder ce petit secret pour vous ? » s'énerva le garçon. Son regard vaguait entre son « père » et sa « mère ». Les yeux de cette dernière s'emplirent de larmes, qu'elle tenta tant bien que mal de réprimer. « Tout d'abord tu vas baisser d'un ton Rayan, on ne parle pas ainsi à ses... » Rayan ne laissa pas le temps à son père de terminer « A ses quoi ? Parents ? Non parce qu'à priori, je peux vous parler comme je veux alors. » son père resta bouche bée. « Alors ? Vous allez m'expliquer tout ça ? Ou je vais encore devoir le découvrir par moi même ? » malgré tous ses efforts, une larme coula le long de la joue de madame Fitzwilliam. « Vous allez m'expliquer pourquoi toute ma vie n'est qu'un tissu de mensonge ? Pourquoi tous le monde dans cette putain de maison fait semblant depuis dix-huit ans ? Je suis le seul con qui ne savait pas ? » sa voix s'étrangla sur ces derniers mots. La haine se mélangeait à la tristesse, à la rancœur, à la déception. Son  père fit un pas vers lui, mais Rayan recula de deux. « Ne m'approche pas. Pourquoi je suis là ? ». Will passa une main dans ses cheveux, tendu. « Écoutes, on ne voulait pas que tu l'apprennes de cette façon. » Ray' laissa échapper un rire nerveux et ironique « Vous ne vouliez pas que je l'apprenne du tout en fait ? ». Son père soupira. « Tu as été abandonné, dans un parc, tu n'avais que deux mois. C'est nous qui t'avons retrouvé, et pris soin de toi au début. Logiquement, on a demandé ta garde. Les démarches ont été longues mais on a fini par avoir gain de cause. ». Il baissa les yeux vers sa femme. Rayan resta interdit, les yeux brillant. Il mordit sa lèvre intérieure pour retenir ses larmes. Il avait été laissé au beau milieu de nul part, jeté à la rue comme si il ne valait pas mieux qu'une vielle paire de chaussettes. Pourquoi ? Pourquoi n'avait-on pas voulu de lui ? Qu'est-ce qui peut pousser des parents à abandonné son enfant au milieu d'un parc ? Toutes ces questions tiraillaient son esprit à présent. Il n'avait même pas prêté attention à sa mère qui était partie. « Donc je ne suis pas vraiment Rayan Fitzwilliam né le 10 juillet... ? » il tentait de garder de la contenance dans sa voix, mais c'était difficile. « Pour nous tu l'es. Malheureusement, toutes ses informations viennent de nous. Tu n'avais pas de certificat de naissance avec toi.» répondit son père. Sa mère réapparue, un carton entre les mains. Elle lui tendit. « C'est tout ce que tu avais avec toi quand on t'a trouvé. ». L'adolescent ouvrit la boite et en sorti une couverture en laine bleue et verte, et un éléphant en peluche bleu à qui rapiécé avec une pièce de tissus orange sur le flanc droit. Il n'y avait rien d'autre. Absolument rien. Sa vie était basée sur un mensonge. Même son anniversaire n'était que le fruit d'une décision arbitraire de ses « parents ». Tout son monde, toutes ses représentations venaient de s'effondrer. Il n'était plus complètement Rayan Fitzwilliam, une part de lui était à présent un étranger.

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« Je veux rentrer chez moi Ray'. » déclara Micah. Rayan leva les yeux de sous son casque pour les poser sur son meilleur ami. « Bientôt Mic', bientôt. C'est notre dernière mission avant la permission. ». Son coéquipier soupira avant de regarder de nouveau l'horizon. Ils étaient assis près du campement, sur deux rochers qui émergeaient au milieu du désert. Cela faisait sept ans que Rayan s'était engagé dans l'armée, six ans qu'il participait à des missions. Les deux jeunes hommes s'étaient rencontrés lors de leur arrivée. Depuis leur formation jusqu'à cette mission en Irak. Le jeune Fitzwilliam, après avoir appris son adoption, avait remis toute sa vie en question. Il s'est détourné de ses projets d'études, ses plans de carrière dans l'entreprise « familiale ». Il voulait autre chose, il voulait penser à autre chose, se sentir utile, être là pour les autres et s'oublier, lui et ses petits problèmes.

« Soldat Fitzwilliam ! Soldat Traighnor ! » les deux hommes se mirent au garde à vous en moins de deux. « Il faut que vous partiez en éclaireur dans le village qui se trouve à l'est. Le Soldat Johnson vous accompagnera. » les deux soldats acquiescèrent. Leur supérieur s'en alla, laissant Micah et Rayan prendre leurs armes et partir en direction de leur nouvelle mission. La chaleur était écrasante, surtout avec leur combinaison, leur casque, et leurs armes. Ce n'était rien de très extravaguant, ils allaient faire le tour du village, vérifier que les populations allaient bien, qu'il n'y avait rien de suspect et repartir. Ils avaient fait cela des centaines de fois, et ce village en particulier était l'un des plus sûrs de la région. Trois quarts d'heure de jeep les séparaient de leur cible.

Johnson conduisait l’engin depuis déjà presque une demi-heure, lorsqu'une explosion se fît entendre. Il stoppa la voiture, Rayan et Micah prirent leurs armes et sortirent. Ils étaient habitués à ce genre de situation, ils y étaient entraînés. Il n'y avait rien, ni personne. De la fumée s'échappait de l'endroit de l'explosion, à une vingtaine de mètre, rien d'autre. Rayan fit le tour de la voiture, épiant chaque dune qui les entourait. Micah s'écarta quelque peu, sûrement pour vérifier que la voie était libre. Un coup de feu suivit d'un sifflement aigu se fit soudainement entendre. Dans un mouvement vif, Rayan se jeta à terre, criant le nom de son ami pour qu'il fasse de même. Il était déjà trop tard. Sous ses yeux, dans un cris étouffé, il vit son meilleur ami s'écrouler sur le sable, un jet de sang émanant de sa poitrine. Une deuxième balle le transperce à la jambe. Rayan arrive grâce à ce deuxième tire à localiser le tireur, isolé sur la plus haute dune. Le jeune homme prend son arme, vise, tire, tue, en moins de quinze secondes. L'ennemi est écarté. Il se relève, cours, trébuche, continue son chemin, et s'agenouille auprès de son ami. Il passe un appel au secours par l'intermédiaire de sa radio. Il crie une bonne dizaine de fois « Un homme à terre ! », mais il sait bien qu'un tire en pleine poitrine est presque toujours fatal. Il pose la tête de son ami sur ses genoux. Son souffle est irrégulier, son pouls ralentit rapidement. Ray' n'arrive pas à croire à ce qu'il se passe, il ne veut pas y croire. Tout cela ne peut être qu'un mauvais rêve, l'un de ces cauchemars que l'armée finit par provoquer à tous ses soldats. Il ferma les yeux quelques secondes, priant pour se réveiller sur son lit de camp. Quand il ré-ouvrit les yeux, il était toujours au milieu du désert, Johnson à quelques mètres de lui. « Je... crois que je vais rentrer plus tôt que prévu. » ces quelques mots essoufflèrent Micah, qui, bien que Rayan cherchant à le retenir par tous les moyens, ferma les yeux et perdit connaissance. Moins d'une minute plus tard, Rayan sentit sous ses doigts appuyé contre la jugulaire de Mic' le cœur de ce dernier s'arrêter brusquement. Plus aucun souffle n’émanait de lui, plus aucun battement ne faisait vibrer sa poitrine. Rayan sentit tous les muscles de son propre corps se redire d'un coup, ses poings serrés si fort que ses jointures blanchirent. Il avait tué des dizaines d'hommes comme un bon soldat, mettant tout sentiment de côtés, mais voir son meilleur ami s'éteindre sous ses yeux était la pire expérience de toute sa vie. De chaudes larmes coulèrent à son insu le long de ses joues couvertes de sable et de terre. « Si seulement j'avais été plus attentif. » était la phrase qui résonnait en boucle dans son esprit, comme si tout cela était de sa faute.